Qu’est-ce que le socialisme britannique ?

Pour comprendre ce que sont les socialistes britanniques, il faut d'abord les opposer à leurs adversaires politiques, les conservateurs.

Les conservateurs britanniques croient en 1/ le marché et sa moralité (la main invisible) 2/ l’utilitarisme (le bonheur collectif est la somme des bonheurs individuels, donc enrichissez-vous et la société se portera mieux) 3/ les lois de l’économie politique. Bref, ce sont des capitalistes qui recherchent avant tout l’augmentation de la richesse (individuelle ou collective, mais sans égard à la répartition des richesses), qui s’estime matériellement.

Il n'y a d'autre richesse que la vie.


Or, le socialisme britannique naît avec l’essai Unto This Last [Jusqu’à ce dernier] (1860) de John Ruskin (1819-1900), qui énonce contrairement à eux que “il n’y a pas d’autre richesse que la vie”. Il faut donc chercher la matière de la richesse ailleurs que dans la matière : dans la beauté, la joie ou la moralité, toutes ces choses qui échappent au capitalisme qu’il observe dans la société victorienne. Il n'y a de richesse qu'humaine, en quelque sorte. Ce sont donc des post-matérialistes, comme l'aurait dit le sociologue Ronald Inglehart, avant l'heure : ils recherchent le bien-être immatériel plutôt que des choses matérielles.

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Il n’y a cependant pour les socialistes britanniques pas de science de l’éthique, elle est forcément une recherche humaine individuelle. C’est pour cela qu’ils ne croient ni à l’économie politique ni à la sociologie de Durkheim, qui propose de faire “une science des faits moraux”, comme si cela était possible. On ne peut assurer automatiquement la moralité sociale par la science, il faut forcément un effort individuel pour l’atteindre.

Individuel, car les socialistes britanniques réfutent le collectivisme, cependant. C’est en cela qu’ils n’acceptent pas le marxisme comme base.


Le socialisme britannique est d’abord et avant tout un idéalisme, là où le socialisme continental est avant tout un matérialisme.


Le socialisme britannique est d’abord et avant tout un idéalisme (il se bat pour plus de joie, plus de beauté et plus de moralité), là où le socialisme continental est avant tout un matérialisme (il se bat pour des hausses de salaire, des congés payés, des services publics gratuits).

Il est donc inspirant, il soulève les passions car il cherche à atteindre un idéal de beauté, de joie et de moralité de la société qui n’existe pas encore. Certains se battent aussi pour la propriété publique des moyens de production privés, mais ce n’est pas l’objectif central selon William Morris (1834-1896), le disciple socialiste de John Ruskin.

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Ils sont pour l’union des classes sociales et pour l’empathie, tandis que les socialistes continentaux sont pour la lutte des classes et pour le conflit, qui sont à leur origine et qui nourrissent leur combat. Certes, les socialistes continentaux cherchent, à travers ceux-ci, à fonder aussi une fraternité. Mais ce n’est là qu’une conséquence, pas une cause de leur combat.

Paradoxalement, le socialisme britannique est proche de la droite continentale.

Paradoxalement, par sa volonté d’apaisement et de concorde et par son refus du collectivisme, le socialisme britannique a bien plus en commun avec les partis libéraux et de droite continentaux qu’avec le socialisme continental. C’est bien pour cela qu’on l'accuse souvent d’être “conservateur” et qu’on le comprend mal.